Samantha Barendson | El poeta ocasional

Samantha Barendson

Trenes      


El paisaje desfila como un Jackson Pollock, vacas en puntillismo, nubes alargadas, manchas girasoles y  vías deformadas. La ventana fría se pega en mi nariz y siento el traqueteo de la bestia humana. 
  
Tatactatúm, tatactatúm, tatactatúm. 
  
No soy Eva Marie Saint, no tengo la intriga internacional ni los besos de Cary Grant. Tras el cristal, paisajes de postales, campañas de entre-guerras, improntas ferroviarias: una vaca, un castillo, una iglesia, un burro, un viejo ciclomotor o un tren de vapor, hierbas infinitas, campos de amapolas, pueblos suspendidos, la autoestopista fantasma, ovejas, tal vez cabras, otra amapola, una falda acampanada, una lata, una bolsa de plástico, una lámpara de neón, un flash.
 
Tatactatúm, tatactatúm, tatactatúm.

Yo no soy Celia Johnson en Breve encuentro esperando el próximo jueves, el próximo jueves, el próximo jueves, el amor prohibido en un cafetín. Tras el vidrio, amargos paisajes que se repiten y desfilan y vuelven y vuelven a pasar y giran y recomienzan y las vacas se parecen y la nieve oculta los pasos de lobos, ogros y brujas.

Tatactatúm, tatactatúm, tatactatúm.

No soy Marilyn Monroe con faldas y a lo loco. Ante mis ojos inmensos pastos, piedras y malas hierbas que cuernos estupefactos rumian, metódicamente.

Tatactatúm, tatactatúm, tatactatúm.

Desfilan los kilómetros, el Norte aun lejano.

Ciento cinco punto ocho, llegaremos mañana.
 


ME dijeron que, cuando murió, algunas partes de mi cuerpo se pusieron blancas. Me dijeron que, cuando murió, le pregunté a mi tía si ella pensaba que el suyo y el mío estaban sentados juntos en una nube. Me dijeron que, cuando murió, todo el mundo lloró mucho. Me dijeron que, cuando murió, una carta fue encontrada. Me dijeron que, cuando murió, él estaba durmiendo. Me dijeron que, cuando murió, él recién regresaba de España y todos los baúles estaban aun en el barco. Me dijeron que, cuando murió, nunca se pudieron recuperar los baúles. Me dijeron que, cuando murió, se fue al cementerio y luego a un jardín. Me dijeron que, cuando murió, se volvió un limonero.



Desaparecido.

Durante mucho tiempo, pensé que había desaparecido.

Para muchos, “Desaparecido”, no evoca nada, un hombre que se fue a buscar tabaco y no volvió nunca más. Mientras que para el Argentino, el Uruguayo, el Chileno, significa secuestrado, encerrado, torturado, asesinado, totalmente borrado.

Como si nunca hubiese existido.

Durante mucho tiempo pensé que había desaparecido.

Pero me dijeron que murió durmiendo.


 

Trains


 

Le paysage défile comme un Jackson Pollock, vaches en pointillés, nuages étirés, taches tournesols et rails déformés. La fenêtre froide se colle à mon oreille et j’entends tatactater la bête humaine.

Tatactatoum, tatactatoum, tatactatoum.

Je ne suis pas Eva Marie Saint, je n’ai ni la mort aux trousses ni les baisers de Cary Grant. Il n’y a derrière la vitre que ces paysages de cartes postales, cette campagne d’après-guerre, ces empreintes ferroviaires : une vache, un château, une église, un âne, une vieille mobylette ou un train à la retraite, de l’herbe à perte de vue, des champs de coquelicots, un village suspendu, la dame-blanche, un mouton ou peut-être une chèvre, un autre coquelicot, une jupe en corolle, une canette de soda, un plastique, une poubelle, un néon, un flash.

Tatactatoum, tatactatoum, tatactatoum.

Je ne suis pas Celia Johnson dans Brève rencontre à attendre jeudi prochain, jeudi prochain, jeudi prochain, les amours interdites dans un petit café. Il n’y a derrière la glace que d’amers paysages qui se répètent et défilent et reviennent et repassent et tournent et recommencent et les vaches se ressemblent et la neige dissimule les pas des loups, des ogres et des sorcières.

Tatactatoum, tatactatoum, tatactatoum.

Je ne suis pas Marilyn Monroe dans Certains l’aiment chaud. Il n’y a devant mes yeux que d’immenses pâtis, rocailles et herbes folles que les cornes ébahies ruminent méthodiquement.

Tatactatoum, tatactatoum, tatactatoum.

Défilent les kilomètres, le Nord est encore loin.

Cent-cinq virgule huit, nous arriverons demain.

 

Le citronnier


 

Il paraît que, lorsqu’il est mort, certaines parties de mon corps sont devenues toutes blanches. Il paraît que, lorsqu’il est mort, j’ai demandé à ma tante si elle pensait que le sien et le mien étaient ensemble assis sur un nuage. Il paraît que, lorsqu’il est mort, tout le monde a beaucoup pleuré. Il paraît que, lorsqu’il est mort, une lettre a été retrouvée. Il paraît que, lorsqu’il est mort, cette lettre a été jetée. Il paraît que, lorsqu’il est mort, il dormait. Il paraît que, lorsqu’il est mort, il revenait à peine d’Espagne et toutes ses malles étaient encore sur un bateau. Il paraît que, lorsqu’il est mort, on n’a jamais pu récupérer les malles. Il paraît que, lorsqu’il est mort, il est allé au cimetière puis dans un jardin. Il paraît que, lorsqu’il est mort, il est devenu un citronnier.

 

Desaparecido.

Longtemps j’ai cru qu’il avait desaparecido.

« Disparu », cela n’évoque rien, un homme parti chercher des cigarettes, jamais revenu. Tandis que desaparecido, pour l’Argentin, l’Uruguayen, le Chilien, cela signifie séquestré, enfermé, torturé, assassiné, totalement effacé. Comme s’il n’avait jamais existé.

Longtemps j’ai cru qu’il avait desaparecido.

Mais il paraît qu’il est mort en dormant.

 



Trenes, trains
SAMANTHA BARENDSON (1976, Vilanova i la Geltrú, Cataluña, España)
Fuente: Círculo de poesía
Enlaces: Ablucionistas | EG
Imagen en Le Progres
Samantha Barendson es una poeta francesa nacida en España de madre argentina y padre italiano. Actualmente vive en Lyon. Habla cuatro idiomas y se siente franco-ítalo-argentina. Fue seleccionada por el proyecto europeo "Versopolis" para asistir a varios festivales de poesía en Europa. Wikipedia (Inglés)

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