Emmanuel Moses

Poetas franceses


Ella pintó alcauciles  




Tú no tenías nada que decir, entonces pintaste alcauciles admirables 
los tomaste de la cocina y los pusiste sobre una silla negra 
no reflexionaste 
no dudaste 
pasaste de la cocina al estudio 
como un sacerdote de la sacristía al altar 
las legumbres se volvieron un símbolo 
el todo se convirtió en nada 
y esta nada volvió a ser el todo 
Tú no tenías nada que decir, entonces la tela quedó intacta allí donde no sabías 
qué poner 
quedó desnuda pero no tuviste vergüenza de su desnudez
los alcauciles cuentan la historia extraordinaria del verde
y la silla la historia humilde del negro
estas historias son como las de las viejas
en la plaza del pueblo, junto a la fuente
a la caída del día
filamentos de tiempo, de vida
que no son nada, ni lo uno ni lo otro, después de haber sido todo
y vuelven a serlo a la luz tierna de la noche
Tú no tenías nada que decir, entonces tomaste tus pinceles y tus espátulas
apretaste los tubos de pintura
y pintaste legumbres metafísicas
sobre una silla existencial
contaste la historia extraordinaria de nada
transformada, por un par de alcauciles,  en todo



Elle a peint des artichauts




Tu n’avais rien à dire alors tu as peint des artichauts admirables
Tu les as pris dans la cuisine et tu les as posés sur une chaise noire
Tu n’as pas réfléchi
Tu n’as pas douté
Tu es passée de la cuisine à l’atelier
Comme un prêtre passe de la sacristie à l’autel
Les légumes sont devenus un symbole
Le tout est devenu rien
Et ce rien est redevenu le tout
Tu n’avais rien à dire alors la toile est restée intacte là où tu ne savais pas
Quoi y mettre
Elle est restée nue mais tu n’as pas eu honte de sa nudité
Les artichauts racontent l’histoire extraordinaire du vert
Et la chaise l’histoire humble du noir
Ces histoires sont comme celles des vieilles
Sur la place du village, autour de la fontaine
À la tombée du jour
Des filaments de temps, de vie
Qui ne sont rien, l’un, l’autre, après avoir été tout
Et le redeviennent dans la lumière tendre du soir
Tu n’avais rien à dire alors tu as pris tes pinceaux et tes spatules
Tu as pressé les tubes de couleur
Et tu as peint des légumes métaphysiques
Sur une chaise existentielle
Tu as raconté l’histoire extraordinaire du rien
Transformé par une paire d’artichauts en tout

EMMANUEL MOSES (1959, Casablanca, Marruecos)
Traducciòn: Adam Gai
Imagen: Vimeo.com

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